La bibliothèque aura l’avenir de ses publics

Si le public nous quitte c’est que nous ne le méritons plus ?

La seule question qui vaille est celle du public citoyen acteur en ses lieux publics. Liste de souhaits (à compléter) pour que les bibliothèques vivent encore quelques décennies ou plus, si nécessité. Tentative de synthèse.

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Lotissements et bibliothèques : le modèle Internet

L’intégration de bibliothèques dans les zones de lotissements pavillonnaires pose de nombreuses questions : un urbanisme est-il encore possible sur ces territoires, comment intégrer des services publics et collectifs dans des zones d’ultra individualité (une famille, un terrain, une maison, une ou deux voitures), l’intégration de ces services passe-t-il par une intégration de services (poste et bibliothèque et halte-garderie et services sociaux et maison de quartier et …) ?

Le maillage des zones pavillonnaires est de la responsabilité des communes, et sans doute avec plus de pertinence encore des communautés de communes. Après avoir encouragé le développement de ces zones pour attirer de nouveaux habitants, il est nécessaire de leur fournir des services de qualité pour les sortir de leur isolement. Il en va de leur avenir, si l’on veut éviter le même phénomène de paupérisation et de déliquescence qui a frappé les grands ensembles. Les lotissements ne sont pas à l’abri de la spirale infernale : vieillissement de la population, renouvellement par des catégories sociales plus fragiles, coût exorbitant de l’entretien des infrastructures (voirie, réseaux, …), isolement géographique aggravé par les conditions économiques ou sociales et absence d’espace de socialisation pour les enfants, adolescents, jeunes en recherche d’emploi…

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Ecrire sur un blog ou décrire en Unimarc ?

De manière générale, il demeure plus facile de stimuler les intérêts d’un bibliothécaire sur des sujets comme : la bonne interprétation de tel sous-champs unimarc, la pertinence de placer les données locales en notice bibliographique ou en notice d’exemplaire, le choix d’une vedette signifiante et pourtant bien construite selon les spécification Rameau, etc… que sur des pratiques délicieusement marginales : écrire des commentaires sur un blog (même professionnel), rédiger un coup de cœur pour un roman, etc… ou partager une expérience sur un réseau social ou un forum (même professionnel).

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Pulp aux champs

En formation, ce matin, l’intervenant Gilles Moreau évoque les PULP (Petites Unités de Lecture Publique). Cela me fait immédiatement penser à mes propres réflexions d’octobre 2009 sur la question de minis bibliothèques urbaines, économiques, connectées, en réseau, lieux de rencontres et de « lien social » au plus près des trajets et des carrefours actuels de la population (centres commerciaux, gares, etc.)

Transposées dans la réalité des BDP, particulièrement de départements très ruraux, ces PULP seraient un outil possible pour réintroduire la bibliothèque, ou plutôt la nouvelle « entité socioculturelle qui n’a pas encore de nom », auprès des populations rurales de culture urbaine qui peuplent les lotissements. Quoique l’on pense de cette urbanisation, il y a là un vivier de publics possibles pour une offre culturelle de proximité. A condition que cette offre leur ressemble, et c’est peu dire qu’ils ne se reconnaissent pas dans les points-lectures ou petites bibliothèques rurales tenus par des bénévoles, pourtant souvent motivés et méritants, mais définitivement rattachés à une histoire locale que ces ex-urbains ignorent ou refusent de connaitre.

Si la « bibliothèque » n’est plus un des lieux où se créé le fameux lien social (relations-transmissions-créations), mais au contraire apparait comme un bastion d’une époque révolue, on peut se poser la question de sa légitimité et donc du risque de sa disparition. À l’inverse, en misant sur les besoins actuels d’une population nouvelle (rapidité de la disponibilité des documents ou des informations, possibilité de réaliser des recherches personnelles ou d’emploi, conseils, animations, valorisation de la créativité, accueil des petits, stationnement facile, etc…) ces lieux pourraient  créer les conditions d’une transmission de la mémoire locale par la rencontre des générations et des origines (locale ou exogène). Mais aussi être les espaces d’une refondation d’une certaine forme de citoyenneté locale dans un lieu qui n’est pas nécessairement le coeur de village.

Ce qui pose la question de la forme physique que pourraient prendre ces néo-pulp…

(à suivre)

Labo photo

L’intérêt d’avoir un appareil photo capable d’enregistrer en format RAW (brut de capteur, sans traitement interne comme pour le jpeg) est de pouvoir développer ses photos comme à l’époque des labos mystérieux sous les combles… Évidemment l’ordinateur remplace le labo et les logiciels de traitement RAW les agrandisseurs, les filtres et la chimie…

Et l’on s’aperçoit que l’on peut passer des heures sur une photo. Que l’appareil peut en prendre sept à la seconde. Un extrait d’éternité. Le petit goût de l’infini.

Quelques exemples sur cette vue banalissime des berges de la Seine depuis le pont des Arts.

Image originale

 

Quelques développements

 

L’ensemble des photos parisiennes (jouer le touriste à Paris) sur mon album Picasaweb

Ecrire, mais sur quoi ?

Je ne parlerai pas ici du sujet (écrire quoi ?) mais du support (SUR quoi ?).

 

Les auteurs ont toujours choisi les supports d’écriture de leur époque, c’est une évidence. Sans remonter aux tablettes d’argile, de la machine à écrire au traitement de texte sur ordinateur la transition a été assez douce. L’outil était moins contraignant : pas de feuilles carbones, correction immédiate, frappe sans fatigue, multiplicité des versions possibles,…

Mais la logique, le workflow pourrait-on dire, était le même : l’auteur planifie son texte, rédige, assemble, corrige et finalement établi une version finale. Qu’il imprime ou transmet par email à ses amis, son éditeur, son imprimeur… Le livre ne se conçoit que sous la forme du volume.

Un autre choix sera la diffusion directe sur Internet. Du producteur au consommateur. Ou en se professionnalisant : du producteur à l’éditeur en ligne.

Nous restons dans l’idée d’une œuvre finie, achevée.

Ou alors, on pense qu’une œuvre par nature n’est jamais achevée. Qu’elle se construit, se déconstruit, s’enrichit, se dépouille, comme une nature vivante. Que le sens du texte peut résider aussi dans ces mouvements. Strate narrative supplémentaire qui se dégage de l’archéologie de ses versions. Écritures plurielles à plusieurs auteurs. Invitation de collaborations. Beaucoup de possibilités à imaginer puisque les outils sont maintenant disponibles pour tous en ligne. Un simple blog peut faire l’affaire.

Pour l’auteur, le changement d’outil est plus conséquent. En renvoyant dans l’antiquité informatique le bon vieux traitement de texte, simple descendant de la Remington, il peut intègrer dans sa pratique le flux de données. Se brancher sur le contemporain. Avec les interrogations afférentes : comment monnayer la pénurie lorsque l’abondance est la norme ?

 

Fast book

L’implantation de bibliothèques au plus près de la population, que ce soit en centre ville ou en périphérie urbaine, se heurte fréquemment à la question des coûts et de la place disponible. Créer une bibliothèque est un investissement lourd. L’établissement occupe inévitablement une surface importante, ce ne serait que pour stocker tous les ouvrages, recevoir le public, permettre le travail interne. Espaces auxquels il faut ajouter, dans le meilleurs des cas, ceux consacrés aux animations (heure du conte, coin lecture, auditorium, etc.) ou à la consultation sur place.

En centre ville ces mètres carrés sont souvent indisponibles ou à des prix prohibitifs. En plus de l’investissement, les coûts de fonctionnement sont importants : prêter, ranger, stocker des supports physiques, mais aussi les traiter en terme de bibliothéconomie, suppose un personnel relativement nombreux (et jamais assez dans les faits).

Le numérique permettrait de changer totalement la problématique. A côté, en complément, des bibliothèques traditionnelles, pourraient se créer des micro-bibliothèques sans aucun supports physiques. Le public y recevrait, contre caution ou en location, une tablette de lecture (lecteur e-book ou autre) permettant aussi le stockage de fichiers qu’il rechargerait à des bornes en livres, périodiques, disques ou vidéos de son choix. Une sorte de fast food culturel, qui pourrait tenir dans quelques dizaines de mètres carrés, comme n’importe quelle boutique de centre ville, de galerie commerciale ou de faubourg. Évidemment il ne s’agirait pas réellement de bibliothèques ou médiathèques mais de points d’accès rapides à installer, économiques (on peut même envisager une industrialisation du modèle à l’instar des boutiques franchisées de grandes marques) et accessibles. Une ou deux personnes pourraient suffire pour le fonctionnement.

A la fois porte d’entrée et point-relais de la bibliothèque centrale, reliée informatiquement avec celle-ci, comme un terminal sur un réseau.

Rien n’empêcherait que s’y tienne de petites animations comme : rencontres avec un auteur, présentation de textes, de musiques ou de films. On peut imaginer aussi qu’elle serve de relais pour les réservations d’ouvrages en provenance de la centrale.

La dématérialisation peut aussi être un outil de développement de la culture et des bibliothèques : en permettant de s’approcher au plus près de la population (zones commerciales de centre ville ou de périphérie, lotissements, banlieues), en étant « techno-compatible » avec la culture des populations jeunes et/ou urbaines, en divisant les coûts d’investissement et de fonctionnement sur la création de nouvelles structures, en offrant constamment les nouveautés en tout point.

Le modèle suédois (3)

Pour finir sur le modèle Ikea et clôturer presque deux mois de réflexions intenses ;)

Nos bibliothèques sont conçues comme des magasins avec des rayonnages. Hormis une architecture habituellement plus ostensible, le concept est celui d’un supermarché : linéaires austères, caisses, points d’informations, libre service. L’environnement est plus soigné, sans clinquant commercial, les allées plus étroites sans doute par économie de place et absence de caddies. Les sections jeunesse et multimédia font parfois exception, du moins sur la frange : coin pour les petits, heure du conte, auditorium, etc…

Mais difficile de se sentir « chez soi » dans ces environnements neutres et fonctionnels (il n’y a pas là de critique esthétique). Ce qu’offre Ikea, c’est de faire comme « à la maison », mais une maison 100% Ikea où l’on est à la fois invité et rassuré, puisque chaque objet est familier. Intimité et curiosité. Proximité et désirs. L’appartement virtuel et pourtant crédible du magasin Ikea est une machine d’assimilation et de proposition. Les rayonnages sont à l’étage inférieur, invisibles au premier abord.

Transposé aux bibliothèques, se pourrait être un espace de vie, tout à la fois public et quasi-privé, lieu de rencontre mais aussi de solitude pour qui le souhaite. Je ne proposerai pas ici de modèle d’architecture intérieure ou de décoration, l’important tient dans la capacité à accueillir et retenir. Et pour retenir il faut offrir ce que le public a peu ou pas à la maison : un environnement dédié au plaisir, aux sens, à l’intelligence, au partage. Là est le coeur et la raison d’être d’une bibliothèque. Que les livres, disques, DVD, Blu-ray… sagement (bien) rangés ne soient pas loin, mais à la périphérie, comme les rayons autour du soleil. Vous voyez l’image. Les rayonnages en rayon. Si possible pas trop haut, pas trop pleins. Là encore, s’inspirer des librairies, même des Fnac ou Megastore, autrement plus conviviales que les bibliothèques. Et plus loin, ou plus bas comme chez Ikea, un espace de stockage fonctionnaliste, industriel.

Cet espace central, ou plutôt ces espaces si l’on imagine un fractionnement comme autant de pièces intimes, chacune avec son atmosphère, n’aurait pas vocation à être une démonstration de style ou de design, mais des lieux habités, vivants ou puisse naitre des codes ou des rites. Supports d’écriture,  de conseils de lecture ou de films, ateliers d’artistes, ateliers d’écriture, studios de musique, points d’information et de rencontres avec des experts, conférences, projections…Pourquoi pas des espaces vierges, vides, laissés à la libre disposition de petits groupes pour les meubler, les décorer, s’y montrer.

Et des jouets pour les plus petits, et des consoles de jeux vidéos pour plus grands.

Et bien entendu le boire, le manger et le Net. Accessible partout, fusionné avec les services d’information, irriguant les tablettes de lecture disponibles, les smartphones des usagers,  la diffusion musicale, les moniteurs vidéos.

Une bibliothèque du temps présent, avec une nouvelle mission.  Permettre les conditions de développement de réseaux sociaux IRL (dans la vraie vie). Et le modèle pourrait être Facebook.

PS : Quelques idées empruntées à la fantastique bibliothèque de Delft

Le modèle suédois (2)

On a vu dans la première partie que la prise en compte du public était une composante majeure du succès de la chaine suédoise. Le client est acteur, on lui enseigne que c’est lui, par sa participation aux charges (manutention, transport, information), qui permet de maintenir des prix bas. Le client est au centre de la communication, au centre du magasin. Vraie ou fausse, la communication fonctionne car elle semble sincère, logique et efficace. Transparente en un mot, comme l’eau des fjords ou l’aquavit. Et tout concours à rappeler cette simplicité sans malice venue du Nord. Couleurs primaires, design dépouillé, noms suédois et même panneaux géants présentant certains aspects de la culture scandinave.

Culture, le mot est posé. IKEA est une référence culturelle autant, sinon plus, qu’un marchand de meuble. Au même titre qu’une bibliothèque et peut-être même davantage. Comme un lieu de découverte et de partage culturel, que l’on pourrait acquérir. Mettre dans un chariot, emporter chez soi, déballer, assembler en suivant le célèbre guide de montage qui est sans doute la bande dessinée la plus diffusée au monde.

On pourrait s’étonner que la vente de livres, de disques, de dvd ne fasse partie du panel des objets vendus. Sans doute à cause de la faible visibilité de la scène culturelle scandinave en dehors de ses frontières et notamment en France, sauf quelques exceptions ponctuelles. Il semblerait que les magasins IKEA suédois couvrent beaucoup plus de domaines. Mais ce serait cohérent, lorsque IKEA vend de l’alimentation suédoise ce n’est pas pour augmenter son chiffre d’affaire, c’est pour aller au bout de sa logique. La culture comme une identité commerciale.

Nos bibliothèques se posent naturellement comme des antithèses de ce modèle : à la fois ontologiquement « culturelles » et non commerciales. Double handicap au sein d’une société où, majoritairement, le modèle marchand est reconnu comme un étalon d’efficience, un vecteur incontestable de mixité sociale et où le « culturel » est plus ressenti comme un instrument de clivages sociaux (les cultures plurielles) que de consensus structurant comme peuvent l’être les enseignes Darty, Carrefour ou Décathlon. La culture dominante n’est pas dans les bibliothèques, il faut s’y résigner. Ou pas, si l’on imagine la possibilité de l’y faire entrer, non pas insidieusement comme ont servi parfois, du moins dans un premier temps, les disques, les vidéos puis les accès Internet, mais ouvertement, et avec sincérité, à la manière du modèle suédois.

Le modèle suédois (1)

Au début il y a le concept IKEA. Non, pas le « design démocratique », ni le kit en cartons plats, l’autre concept. Celui du magasin-showrom-entrepôt-restaurant. Depuis toujours l’enseigne suédoise fidélise et accroit sa présence, dans le monde entier, via ses magasins. Et à l’heure d’Internet, ne pratique la VPC qu’avec parcimonie et sans faire d’effort sur le coût des livraisons.

Le magasin IKEA est un temple et le fidèle doit s’y rendre. Il s’y rend avec plaisir habituellement, s’en fait même une fête, l’occasion d’une sortie familiale. Et rarement gratuite. On ne sort pas du magasin IKEA les mains vides. C’est inconcevable. Mais avec la joie, presque la fierté, d’avoir trouvé le « truc » nouveau, l’objet que l’on cherchait, le meuble indispensable. (Les voitures sont souvent trop petites pour les fidèles IKEA).

Quel rapport avec les bibliothèques ? Aucun, souvent. Et c’est justement le souci. Pour caricaturer on dirait que le magasin IKEA est une non-architecture pleine de vie, la bibliothèque souvent une sur-architecture pleine de vide. Car ce n’est pas le contenu qui fait le plein, c’est l’organisation du contenu qui rempli le vide.

Un magasin IKEA n’est pas un magasin de meuble ou de décoration, c’est un parcours initiatique qui doit transformer le visiteur en fidèle. Et procurer au fidèle une expérience renouvelée, à la fois familière et surprenante. Rien de moins.

En quelques mots, déroulons ce parcours : On entre au premier niveau, qui n’est pas forcément le rez-de-chaussée : immédiatement après l’entrée, le Smaland, l’espace des enfants avec animateurs qualifiés, gratuit, sécurisé. On monte tout de suite au niveau haut. C’est là le coeur du magasin : un immense plateau mais qui n’apparait jamais dans sa totalité puisque divisé en autant d’univers correspondant aux différentes pièces de la maisons, ou familles de meubles. Dans chacun des univers un espace d’exposition de meubles assez traditionnel bordé par des mises en situation avec de véritables pièces totalement reconstituées et décorées. Chacune développant une ambiance différente et illustrant le potentiel créatif du mobilier. Les univers sont reliés par un chemin balisé qui serpente de façon à optimiser la zone de curiosité du visiteur tout en évitant l’ennui des allées droites. A la sortie de ce labyrinthe où l’on ne peut se perdre, le restaurant suédois, un self spacieux et lumineux et la descente vers le niveau inférieur : un immense libre service d’objets de maison, vaisselles, luminaires, tissus, etc. suivi du dépôt de meubles où le client se sert directement sur les rayonnages en fameux paquets plats. Enfin, on parvient aux caisses et derrière, pour finir, une épicerie suédoise et une cafétéria.

Pour résumer : on découvre, on touche, on note avec son petit crayon de bois offert, on s’inspire, on planifie avec les ordinateurs mis à disposition, puis on fait son choix, on se sert, on se fait plaisir. Le chariot se remplit. D’abord la découverte puis la satisfaction. Mais aussi prendre le temps de manger, boire un verre, laisser jouer les enfants. Oublier le temps.

J’essaierai de cerner dans une seconde partie, en quoi ce modèle extrêmement élaboré pourrait inspirer les bibliothèques pour les rendre aussi attractives qu’un magasin IKEA. Ce qui est toujours plus difficile lorsqu’il n’y a rien à vendre.