Electrelane

Ce n’est pas tous les jours que l’on tombe sous le charme total d’un nouvel artiste. De quatre en fait. Quatre filles du groupe anglais Electrelane qui viennent de refaire quelques concerts, et particulièrement un à Saint-Malo pour la Route du Rock.

Si le groupe est souvent défini comme un croisement entre Stereolab et Mogwai ou entre Stereolab et Sonic Youth… comment j’ai pu passer à côté jusqu’il y a quelques jours !

Pour en savoir plus.

Et surtout pour écouter.

 

 

 

Le salaire du créateur

Le projet de loi Hadopi aura peut-être pour seul mérite, voire pour seul effet, de remettre sur le devant de la scène la question de la « nécessaire rémunération des artistes ». Posé comme ça, c’est à dire comme un menhir dans une lande bretonne, ça semble une évidence éternelle qu’un artiste doit être rémunéré. Derrière le préchi-précha que tout le monde a le droit de vivre de son travail, on en arrive à considérer la création artistique comme un « travail » et c’est là que le bat blesse comme on dit.

Je ne suis pas du tout spécialiste de la question du droit d’auteur, mais il me semble que le droit patrimonial n’a jamais signifié que l’art était une marchandise comme les autres, quoiqu’en ai pensé Warhol (mais est-ce si sûr ?). Il me semble normal que, lorsqu’une exploitation commerciale est faite du travail d’un artiste, celui-ci ai le droit de percevoir une somme d’argent qui pourra être forfaitaire ou/et un pourcentage sur le produit de la vente. Le créateur ou l’interprète est rétribué dans ce cas, c’est légitime, et on pourra s’étonner qu’il le soit si peu, en pourcentage sur le prix total du produit, alors qu’il en est lui même la valeur intrinsèque. Vous achèteriez un CD d’Universal ? non, vous achetez un CD de Thomas Dutronc ou de Yves Simon. Universal on s’en fout. Le disque serait auto-produit, pour nous, le client, ce serait la même chose. Sauf qu’il serait sans doute moins cher et qu’il rapporterait davantage à son auteur.
Mais là n’est pas la question. J’achète un CD (ou un DVD) : c’est à la fois un objet (parfois esthétique, informatif, valorisant), une technologie (j’achète une qualité sonore irréprochable, du moins en théorie) et un contenu. Mais il faudrait distinguer : si j’achète bien un objet CD, je ne fait que bénéficier (ou pas) d’une technologie et je n’ai aucune possession sur le contenu. En fait, je ne paie pas le contenu. Je paie pour l’obtenir c’est tout. La preuve en est, que j’ai parfaitement le droit de le faire entendre à toutes les personnes présentes chez moi (il n’y a que l’exécution publique qui donne lieu à l’intérêt de la SACEM), que je peux le prêter à qui je veux, le revendre, le donner, etc. et que je peux l’écouter autant de fois que je veux. Ce n’est pas l’auteur qui me donne ces droits là, c’est juste la possession de l’objet CD.

Je plains les producteurs et techniciens de disques : le système qui génère pour une bonne part leurs revenus, qui a été mis en place et jamais révisé par les maisons de disques, repose sur le commerce d’un objet. Supprimez l’objet, il n’y a plus de revenus directs. Cela a fait la fortune des maisons de disques (les « majors ») et cela fera la paupérisation et peut-être la disparition, sous leur forme actuelle, des métiers de la musique. Les compagnies, pour leur part, réviseront leur « business plan » et trouveront d’autres débouchés, quitte à réduire beaucoup la voilure. Mais ce sont les bénéfices qui comptent, peu importe le chiffre d’affaire.

Si je télécharge le même album sur Internet, j’ai le choix entre un téléchargement dit légal, donc payant et cher (pratiquement le même prix que le bon vieux CD que je reçois le lendemain en commandant par un disquaire en ligne) et le téléchargement dit illégal, donc gratuit. Pendant quelques temps les fichiers téléchargés légalement avaient la particularité d’être bridés de plein de manières diverses et variées, mais avec la généralisation du format MP3 et l’abandon des DRM ils sont devenus aussi utilisables, et parfois meilleurs techniquement, que les fichiers illégaux. Un vrai progrès, en somme. Sauf que les fichiers légaux sont condamnés à se retrouver sur les serveurs illégaux… et la boucle est bouclée. Le problème de la musique dématérialisée est insoluble.
Ce qui explique aussi que la seule réponse qu’ait trouvé le gouvernement soit une usine à gaz juridique et technique qui débouche inévitablement sur une utopie de filtrage intégral du net français. Et qui ne rapportera rien de plus au créateurs, donc de moins en moins, en suivant la même pente que celle de la vente de CD.

Si on repose le problème de façon plus provocatrice : les artistes ne sont pas des salariés ni des artisans, s’ils vivent de leur création c’est un privilège rare mais rien ne semble justifier qu’il faille payer à priori pour pouvoir les entendre, les lire ou les voir. Eux-même ne devraient pas le souhaiter mais plutôt désirer que leur création soit le plus largement accessible, librement, à tous. Internet permet cela, tout comme les bibliothèques. Que l’on paie pour les voir en concert, pour obtenir des mises en support ou en valeur de leur création, des produits dérivés…, évidemment. C’est aussi une manière pour leur public de soutenir leur travail et il en a toujours été ainsi.

Le vrai danger c’est la destruction du tissu professionnel qui permet aux artistes de réaliser leurs oeuvres. Et c’est pourquoi la licence globale est bonne. Quelle autre dispositif permettrait de continuer à irriguer la profession de façon régulière et responsable ? Tout comme la taxe sur la copie apposée aux support de stockage, qui sans autoriser la copie hors du cercle de famille, permet d’en compenser la pratique, la licence globale ne légaliserait pas la contrefaçon lucrative mais dépénaliserait la copie personnelle donc le P2P.

J’en suis là dans mes réflexions…

Neulander (Smoke + fire) : l’album sorti de nulle part

Neulander est une énigme pour moi. Comment ces deux-là ont pu produire en 2004 un album miraculeux (pour moi, s’entend) et disparaitre de la scène, je ne me l’explique pas. Miraculeux à plus d’un titre : il est rare que j’ai autant écouté un disque et à chaque fois retrouvé les mêmes émotions ou encore d’autres. Et ce disque est difficile à classer, complexe, croisement de toutes sortes d’influences et pourtant sobre, simple et presque minimaliste. Survolé par une voix étrange et étrangère. (*)

Neulander c’est le groupe. On a juste les informations fournies par leur label Disko B ici et . Et abondamment reprises partout.

Et une page MySpace.

Pour résumer, Neulander c’est l’association, pour un album, de Korinna Knoll, artiste graphiste et chanteuse d’origine autrichienne et de Adam Peters, anglais .  Si la première semble pratiquement inconnue, le second est un musicien renommé, violoncelliste, compositeur et surtout arrangeur et instrumentiste pour des groupes anglais phares des années 80 : Echo and The Bunnymen, Souxie and The Banshees ou encore Lloyd Cole.

Il s’installe à New York ensuite, où il travaille sur des musiques de films et de séries TV. C’est là qu’il rencontre Korinna Knoll. Le couple, marié dans la vie, travaille ensemble sur le projet Neulander. Leurs premiers enregistrements ( CD 4 titres « Sex, God + Money ») en 2003 sont remarqués par le New York Times et la critique musicale. L’année suivante sort l’album 10 titres « Smoke + fire » et une tournée américaine puis européenne (Allemagne, Autriche) jusqu’en 2005.

Le couple quitte New York cette année-là pour s’installer en Californie à Joshua Tree dans le désert. Les motivation de Adam Peters  : «  »Nous avons voulu vivre au milieu de nulle part à proximité de quelque chose. Nous avons suffisamment visité de galeries d’art et avons été à suffisamment de concerts et je n’ai pas envie de voir ou d’entendre quoi que ce soit d’autre. Tout ce que je voulais faire était de travailler. » (source)

Sur la page MySpace on peut écouter deux morceaux inédits et voir deux photos : une de concert et une de leur jardin sans doute : un hamac, des cactus, un foyer éteint et un lapin en spectateur.

Découvrez la playlist Neulander avec Neulander

(*) qui n’est pas sans me faire penser à celle de Lætitia Sadier
la chanteuse de Stereolab.

Mogwai : la plaine et l’orage

Mogwai est depuis plusieurs années l’un de mes groupes favoris. Je pourrais néanmoins tirer ici une assez longue liste… mais les groupes dont on attend la possibilité d’un concert, que l’on se réserve pour une rencontre à venir, ne sont pas si nombreux finalement (Wedding Present, Stereolab, Smashing Pumpkins, Portishead, Chemical Brothers, Air, …)

Quand j’ai vu qu’ils passaient en concert à l’Astrolab à Orléans je n’ai pas trop eu d’hésitation. C’était le mois dernier et je suis toujours sous le choc.

Difficile de décrire cette musique assez austère et pas toujours « aimable ». La classification post-rock en vigueur n’a pas de sens précis. Mogwai ce sont des morceaux le plus souvent instrumentaux, faits de ruptures plus ou moins violentes entre des plages immenses d’un paysage sonore se déployant peu à peu vers le lointain (l’influence de leur Écosse natale peut-être) et des murs de sons opaques et presque palpables. Merci d’ailleurs à l’ingénieur du son qui obtient ce miracle que les tympans soient toujours fonctionnels après ces concerts…

Musique en suspension, en lévitation pourrait-on dire à moins que ce ne soit l’auditeur, portée par des musiciens d’une précision horlogère. Association parfaite des lignes de guitares et de la musique électronique. Héritiers tout autant de Sonic Youth que de Steve Reich.

L’album live « Government Commissions : BBC » en est le témoignage fidèle.


Découvrez Mogwai!